I
C’est le premier pas dans la lumière qui coûte
et savoir que tout a déjà commencé sans toi :
la danse des collines, l’envol des martinets,
l’eau verte et le feu de la rose, tout cela
et le reste qui te manque si fort à présent,
toi qui dormais sur le ventre des morts
au milieu des soudards et des filles.
II
Le plus dur, c’est le premier pas dans la lumière
quand toutes les béquilles du monde te sont retirées
et qu’il n’y a plus dans le miroir devant tes yeux
que cette tête de mauvais larron révélant d’un coup
le dessous des cartes de ta vie, vieux tricheur,
toi qui croyais toujours la partie gagnée d’avance
et te retrouves à l’aube seul de dépouillé de tout
dans la ruelle sans nom d’une ville qui n’existe pas.
III
Ce qui fait le plus mal, c’est encore le premier pas
dans le feu du matin, quand tout a commencé
sans toi, que les gradins sont prêts, l’herbe coupée
et qu’au milieu l’innocent du village a déjà dressé
l’échelle des maraudes. Pour lui la messe est dite,
il vole les noix quand elles sont vertes et les donne
aux enfants pour les voir rire et faire des grimaces.
Toi, tu es resté trop longtemps à la merci des mots
pour oser regarder le ciel tout nu bien en face
puis en descendre simplement comme les oiseaux.