Tu enfiles longuement la chemise des murs,
tout comme d’autres le font avec la chemise de la mort.
Oui. Tu enfiles chaque jour la chemise serrée des murs,
les mâtins volants des persiennes.
Oh, les murs, les murs — les amis, les ennemis,
le doux retard, leurs poches trouées,
leurs minces chevilles de jument, les framboisiers,
la pompe qui les irrigue vigoureusement
du tréfonds de ton coeur,
comme d’un filon d’étron,
les fougues qui engluaient naguère leurs cheveux,
les plantes des pieds où ils laissaient leurs lourdes traces,
les petites mains des homoncules
avec lesquelles ils te serrent contre leur poitrine
et enduisent de savon, doucement, le noeud de la corde,
toujours les mêmes, toujours proches,
comme si tu dormais déjà
quelque part, sous terre;
ils font tinter les clochettes de l’illusion;
leur cliquetis — tremblant —
comme celui du canon d’un revolver
heurté contre les dents.
Tu te réveilles le matin et enfiles la chemise des murs.
Tu te couches la nuit et enfiles la douce chemise des murs.
Linda Maria Baros, La maison en lames de rasoir, ‘’La chemise de kevlar’' Cheyne éditeur, collection Grise, E.O. 2006.
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